Nicolas, passionné de rhum depuis une vingtaine d’années, cherche constamment à élargir sa culture en dégustant, en étudiant l’histoire, la technique et tout ce qui a trait à son spiritueux préféré. Ces recherches l’ont conduit à créer son propre blog (cœur de chauffe), à écrire pour d’autres, et plus récemment à importer quelques uns de ses coups de cœur, toujours dans un esprit de partage.
Quoi de plus attirant qu’un joli macaron doré, lorsque l’on est perdu devant une étagère qui porte plusieurs dizaines de rhums différents ? Mais aurait-on raison de s’y fier aveuglément ?
Un concours de spiritueux, c’est un évènement qui rassemble les plus grands experts dans leur domaine. Ce jury va déguster une sélection d’échantillons, puis délibérer pour élire le meilleur rhum de sa catégorie. Le lauréat aura donc fait l’unanimité, on est ainsi assuré que le rhum médaillé que l’on a sous les yeux est arrivé en tête devant une flopée d’autres candidats.
Tout cela est très rassurant, sauf que ce n’est pas si simple en réalité. Les jurys sont parfois composés de dégustateurs peu qualifiés, qui devront noter jusqu’à une centaine de rhums par jour. Cela nécessite une certaine pratique, et même les plus expérimentés concéderont que le palais est saturé après moins d’une dizaine d’échantillons dégustés.
La pertinence des résultats peut également être remise en cause par le choix primordial des catégories. En effet, lors d’une même session, on peut parfois retrouver des rhums, certes du même âge, mais d’un style tout à fait différent. On peut alors avoir à comparer un rhum délicat et complexe avec un rhum sucré, ou un autre très corsé. Celui qui est sorti du lot est-il vraiment le plus intéressant ? Le plus qualitatif ?
Attention toutefois aux catégories trop étroites, plutôt comiques car courues d’avance, puisque représentées par un seul candidat.
Il est important de comprendre que les palmarès n’établissent pas forcément un podium des trois meilleurs spiritueux de leur catégorie. La dégustation débouche davantage sur une évaluation de niveau que sur un classement. Ainsi, un rhum médaillé d’or est un rhum qui a le « niveau médaille d’or », mais plusieurs autres candidats peuvent avoir atteint cette distinction.
Un terrain de jeu réservé aux poids lourds
Il convient aussi de jeter un œil au nombre de médailles distribuées, car parfois près de 80 % des candidats sont récompensés. L’explication à cela est simple : si la médaille est gratuite, le droit d’utiliser le fameux macaron sur sa bouteille a un prix. On comprend donc pourquoi les organisateurs ont tout intérêt à en distribuer un maximum.
Les concours peuvent donc être un investissement important pour une marque. D’ailleurs, force est de constater qu’ils sont avant tout le terrain de jeu des multinationales. La participation étant payante pour chaque échantillon proposé, seules les plus grandes marques sont à même d’inonder les compétitions du monde entier, maximisant ainsi leurs chances de médailles.
Il s’agit d’un enjeu important pour elles, car c’est davantage en grande distribution, où les plus gros volumes s’écoulent, que les macarons dorés font la différence. Les amateurs s’approvisionnant chez leur caviste semblent moins sensibles à la couleur des médailles.
Les médailles à suivre
Certains concours s’efforcent cependant d’être aussi pertinents que possible. On peut parler par exemple du Concours Général Agricole de Paris, qui se déplace dans les distilleries pour prélever des échantillons au hasard dans le stock. Quel est l’avantage de procéder ainsi ? Dans la majorité des cas, les marques envoient elles-mêmes leurs échantillons aux organisateurs. Rien ne les empêche de tricher en fournissant un rhum très haut de gamme, assuré de dominer la dégustation, mais qui ne correspond en rien à la référence que le client retrouvera sur les étagères.
Le Concours Mondial de Bruxelles est également reconnu pour le sérieux de son organisation, avec des vérifications d’échantillons réalisées à posteriori. L’IWSC de Londres se démarque quant-à lui par la rigueur de ses catégories, avec notamment un classement pointu selon les techniques d’élaboration. Enfin l’ISC, également basé en Angleterre, est reconnu pour la qualité de son jury.
Le tout nouvel International Sugarcane Spirits awards s’annonce prometteur, avec des dégustations étalées sur plusieurs mois, dans des conditions strictes, à l’aveugle, et aucune communication entre jurés.