Jean-Pierre Saccani est journaliste. Il a également été rédacteur en chef de nombreux titres de presse écrite

 

Point de rhum sans la canne à sucre, qu’il soit agricole ou de mélasse. Réponses à quelques questions que se posent les amateurs à propos de cette matière première pas comme les autres…

Comment la canne à sucre a-t-elle évolué?

Cette herbe géante de la famille des graminées a connu de nombreuses pérégrinations. Déjà cultivée un bon millénaire avant J.-C. en Nouvelle Guinée, elle essaime ensuite en Asie, en Inde, au Moyen-Orient avant d’arriver à Saint-Domingue (la canne créole), grâce à Christophe Colomb qui a sans doute compris son potentiel économique.

Débute alors la production sucrière, un bouleversement notable pour la culture de canne à sucre. En occident, la Saccharinum Officinarum, répertoriée au XVIII e siècle par Linné, un naturaliste suédois, est, comme son nom l’indique, essentiellement réservée à un usage pharmaceutique. Mais cela va vite changer avec la canne OTahiti. Cette espèce primitive, introduite par Bougainville à La Réunion et à l’Île Maurice, devient ensuite la canne bourbon. Depuis, plusieurs milliers de variétés ont été créées par hybridation, une technique largement utilisée en botanique.

Quelles sont les variétés actuelles?

Revenons à ce qui nous intéresse, le rhum. Les variétés les plus connues aujourd’hui restent la canne bleue, très implantée aux Antilles françaises sous son nom de code B.69-566, le B indiquant qu’elle a été créée à La Barbade et la canne rouge (R.579), le R pour La Réunion, l’île dont elle est originaire. En Martinique, seule AOC au monde, douze variétés de cannes sont agrées pour l’appellation: les cannes zikak, canelle, caïmite, cristalline, etc.

La Réunion reste une région à la pointe dans la création de nouvelles espèces dont les qualités se mesurent à: leur richesse en sucre, leur résistance aux maladies, leurs vertus écologiques et naturellement leurs capacités de production à grande échelle. De longues années de recherche sont nécessaires pour arriver à créer de nouvelles variétés qui satisfont toutes ces exigences. Elles s’achèvent, dans le cas du programme Visacane du Cirad par une période de quarantaine, de deux ans minimum en serre, dans la région de Montpellier.

Quelle est l’importance de la canne sur le goût du rhum ?

Sur ce point, notons une différence entre le rhum agricole et celui qui est produit à base de mélasse. La qualité de ce dernier, reposant d’avantage sur la fermentation, la distillation et le vieillissement, pourrait laisser croire que le premier, du pur jus de canne (le vesou), est avant tout tributaire de la qualité de la canne. C’est en partie vrai mais le terroir ne compte pas pour du beurre, bien au contraire.

 

Quand peut-on parler de terroir ?

On peut parler de terroir pour des facteurs géologiques, climatiques (ensoleillement, pluviométrie) et techniques, notamment selon le type d’alambics utilisés et la pratique des fûts. La Martinique et la Guadeloupe en sont incontestablement, tout comme l’île de Madère. Pour les rhums latinos et asiatiques, aux expressions multiples, doux, secs ou légers, le terme « styles » est plus approprié car il n’y a ni cohérence, ni typicité de goût. La notion de terroir se renforce encore depuis l’apparition des cuvées monovariétales et surtout parcellaires dont l’ambition est de refléter au plus près l’expression d’un terroir précis. Des préoccupations très proches finalement de celles du monde du vin…

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