Nicolas, passionné de rhum depuis une vingtaine d’années, cherche constamment à élargir sa culture en dégustant, en étudiant l’histoire, la technique et tout ce qui a trait à son spiritueux préféré. Ces recherches l’ont conduit à créer son propre blog (cœur de chauffe), à écrire pour d’autres, et plus récemment à importer quelques uns de ses coups de cœur, toujours dans un esprit de partage.
On aime le rhum pour sa capacité à surprendre, avec une diversité qui semble infinie, et dont on repousse les limites presque chaque jour. On découvre régulièrement des distilleries passées sous le radar du grand public, tandis que d’autres se créent constamment à travers le monde.
Rien de plus normal, la canne à sucre est présente dans toutes les zones tropicales, mais aussi subtropicales du globe. Au final, cela représente une bonne moitié des terres émergées !
Là où la découverte et la surprise se transforment en vertige, c’est lorsque l’on découvre que le rhum n’est en fait qu’une goutte d’eau dans l’océan des eaux-de-vie de canne.
Le Brésil, géant de la canne à sucre
Si l’on considère uniquement la Cachaça par exemple, le volume de production des quelques 5000 distilleries du Brésil est à peu près similaire à celui du rhum mondial. De quoi donner le tournis, non ? On aurait tendance à assimiler la Cachaça au rhum, ce qui a fait l’objet de débats, surtout aux États-Unis. Mais le fait que de nombreux distillateurs introduisent des céréales, au moment de la fermentation, la différencie du rhum qui est élaboré à 100 % à partir de canne à sucre.
D’autres eaux-de-vie sont issues du même procédé, avec des portions plus importantes de céréales, qui en font des boissons plus « hybrides ». C’est le cas du Pox mexicain ou du Changa’a de Tanzanie par exemple.
En Asie, les méthodes se singularisent également, avec des techniques de fermentation qui incluent du riz fermenté à l’aide d’un champignon que l’on appelle koji au Japon (et qui est utilisé notamment pour le sake). C’est une méthode que l’on retrouve en Indonésie. C’est le cas pour le Batavia Arrack (distillé à partir de mélasse), ou au Japon pour le Kokuto Shochu (sur une base de pain de sucre).
L’eau-de-vie de canne, ou la « gnôle » tropicale
Les spiritueux de canne, cane spirits, aguardentes (en portugais) ou aguardientes de caña (en espagnol) sont un monde encore peu exploré. L’Amérique Latine en est l’un des territoires les plus riches. Les eaux-de-vie de canne y prennent des dizaines de noms différents : caña, cañazo, Chirrinche en Colombie, Shacta au Pérou, Charanda dans l’État du Michoacan au Mexique, etc. Elles sont élaborées à partir de pur jus frais, de miel de canne, mais aussi de pain de sucre (panela, piloncillo) ou de mélasse.
Dans les Caraïbes, le Clairin s’est fait un nom au cours de la dernière décennie. Cette eau-de-vie de pur jus de canne ou de sirop a figé le temps. Les méthodes de production restent inchangées depuis les premiers âges de la guildive, l’ancêtre du rhum. D’autres alcools de contrebande circulent dans les îles, comme à la Grenade. Là où le feu des alambics fait encore couler le Babash.
Dans le monde lusophone, le Grogue cap-verdien est un antique représentant de la catégorie. L’archipel abrite des centaines d’alambics, et autant de micro-climats. La qualité ne cesse de s’améliorer, notamment grâce aux autorités qui ont décidé d’encadrer davantage la production.
À Madère, l’aguardente de cana est devenue rhum depuis quelques années, afin de se faire connaître en dehors de l’île. Sur l’île de Sao Tome, dans le golfe de Guinée, on produit un alcool de brousse appelé Cacharamba, qui n’est malheureusement pas très recommandable. Mais une poignée de distillateurs s’appliquent à produire une aguardente de qualité, qui fera sans doute parler d’elle à l’avenir.
Tout un continent reste à explorer
Nous nous sommes ainsi rapprochés de l’Afrique, où l’on trouve de la canne dans la quasi-totalité de la partie sub-saharienne. On sait que l’on y produit de grandes quantités d’alcools de canne. Malheureusement celles-ci ne sont pas nécessairement des alcools de bouche. Quelques spiritueux très légers et pas forcément intéressants, comme le Konyagi de Tanzanie, sont vendus de manière officielle. Mais on peut raisonnablement imaginer que quelques bijoux parviennent également à sortir d’alambics plus ou moins clandestins.
Amis embouteilleurs, aventuriers et explorateurs, c’est à vous de jouer !