Jean-Pierre Saccani est journaliste. Il a également été rédacteur en chef de nombreux titres de presse écrite.

 

On les a longtemps crus inconciliables et pourtant ils appartiennent au même monde. En voilà les raisons… 

Attirer un forcené du whisky dans le camp des amateurs de rhum, une gageure autrefois… aussi difficile que de convaincre un supporter du PSG de passer dans le camp de l’OM, disait-on. Heureusement, les temps ont changé. Les spiritueux ont gagné en spiritualité, qui s’en plaindra ?

Pourquoi ce rapprochement ? Si la qualité est au rendez-vous depuis longtemps, le rhum a désormais gagné en diversité, plus de soixante-dix pays (dont de nombreux nouveaux venus comme la Thaïlande ou l’Australie) distillent aujourd’hui de l’eau-de-vie tirée de la canne à sucre ou de ses dérivés comme la mélasse ou le sirop, élargissant de facto le spectre des possibles, tant du côté du goût que de la texture.

Une première étape idéale pour titiller la curiosité d’indécrottables aficionados de single malt, une espèce que l’on n’attire pas avec du vinaigre comme de vulgaires mouches. Il leur en faut plus pour satisfaire leur palais habitué à un subtil équilibre entre complexité et force plus ou moins virile.

A ce jeu, tous les rhums ne sont pas égaux, certains tirent mieux leur épingle du jeu que d’autres. L’agricole français (Antilles, Réunion ou Guyane) et le Rum britannique (La Barbade, Jamaïque, Trinidad) ont plus d’atouts dans leurs manches que le Ron hispanique (Cuba, Porto-Rico, Venezuela), plus léger, plus aromatique. Et pour la petite histoire, dans les ex-colonies de sa Gracieuse majesté, la canne à sucre est bien souvent distillée dans les célèbres alambics pot still utilisés en Ecosse. Un détail, certes, mais qui confère au rum, un petit air de famille séduisant pour un amateur de single malt

Des amateurs qui, il faut le signaler, ne sont pas pour rien dans la vogue que connait le rhum ces dernières années. C’est en effet le succès éclatant des single malt qui a entraîné un regain d’intérêt pour les spiritueux bruns à l’orée des années 2000. Un retour en grâce traduit par l’arrivée de rhums vieux plus secs et plus sucrés. Des breuvages qui ont séduit des novices dont, naturellement, quelques addicts de spiritueux maltés.

Les producteurs, antillais ou d’ailleurs, comme les meilleurs embouteilleurs ont également compris l’avantage à tirer des finish, une technique qui a notablement contribué au succès du whisky. Mais il ne suffit pas de copier pour gagner. Le travail de tests mené dans les rhumeries, combiné à un investissement conséquent pour acheter des fûts de qualité ont ouvert de nouvelles perspectives au monde du rhum. Une ouverture qui ne pouvait  que séduire les amoureux de whisky.

Même les plus radicaux qui dégustent aujourd’hui des rhums passés dans des barriques ayant par exemple contenu des whiskies tourbés. Preuve que la hache de guerre est désormais enterrée, des producteurs de whisky se fournissent également en fûts issus des meilleures distilleries de rhum…

Pour finir, signalons que le rhum a tout de même profité de la flambée des prix qui a touché les single malt cette dernière décennie. Pour paraphraser Jean de La Fontaine, certains consommateurs qui avaient dansé tout l’été ont dû se contenter de chanter du jour au lendemain. Le rhum leur est alors apparu comme une bonne alternative, sans apparaître pour autant comme un lot de consolation, tant ses qualités organoleptiques rivalisent haut la main avec leur spiritueux de prédilection. Surtout du côté des rhums premium, une catégorie où les Français restent parmi les premiers consommateurs au monde. Comme pour le whisky. La boucle est bouclée.

 

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